Forêt comestible ou nourricière, verger permaculturel ou haie fruitière, peu importe le nom ou la forme, le principe est sensiblement le même : il s’agit de s’inspirer des écosystèmes forestiers, ou plus exactement des lisières, pour créer un jardin multi-étagé et nourricier. Bref, ce sont des systèmes de culture ancestraux qui s’inspirent des écosystèmes naturels des forêts pour créer des espaces productifs, durables et diversifiés. Bien que les jardins-forêts soient souvent associés à la permaculture, une approche moderne de l’agriculture, ils trouvent leurs racines dans des pratiques agricoles traditionnelles remontant à des milliers d’années.

Les origines des jardins-forêts

L’une des premières références aux jardins-forêts se trouve dans les cultures tropicales d’Asie du Sud-Est, où ce système de culture était pratiqué il y a plus de 10 000 ans (Mollison, 1991). Les populations locales ont développé des agroforêts pour cultiver des arbres fruitiers, des plantes médicinales, des épices et des légumes, tout en préservant la biodiversité et les ressources naturelles (Kumar et Nair, 2004).

En Amérique centrale, les jardins-forêts étaient également largement répandus chez les peuples mayas et aztèques avant la colonisation européenne (Gomez-Pompa et al., 1990). Ils cultivaient des arbres tels que l’avocat, le cacaoyer et le piment, en association avec des plantes de sous-bois et des plantes grimpantes, créant ainsi un système de culture diversifié et résilient (Toledo et al., 2003).

Les jardins-forêts dans le monde

Au fil des siècles, les jardins-forêts se sont répandus dans différentes régions du monde, s’adaptant aux conditions locales et aux besoins des populations. En Afrique, les jardins-forêts sont pratiqués depuis des millénaires dans des pays tels que le Nigeria, le Cameroun et l’Éthiopie, où ils contribuent à la sécurité alimentaire et à la préservation des ressources naturelles (Nair, 1993).

En Europe, les jardins-forêts ont également une longue histoire, bien que moins documentée. Les celtes, par exemple, pratiquaient une forme de jardin-forêt appelée « aïr » en Irlande, consistant en une association d’arbres fruitiers et de plantes vivaces (O’Donovan, 2015). Les jardins-forêts étaient également présents en Europe de l’Est, où ils étaient appelés « sad » en Russie ou « gyümölcsös » en Hongrie (Kovács, 2013).

La redécouverte des jardins-forêts et la permaculture

Le concept de jardin-forêt a aussi été développé par Robert Hart un horticulteur britannique. Il s’est intéressé aux systèmes de jardins agroforestiers dans les régions tropicales, notamment au Sri Lanka où il a séjourné. Sous le soleil des tropiques, il est évident de cultiver à l’ombre des arbres. Là-bas on trouve de nombreux exemples de jardins agroforestiers. En Indonésie, il existe même un terme pour désigner le jardin-forêt : « Kebun ». Il s’agit d’un système de polyculture communautaire traditionnel, associant des tubercules (sous la surface), des plantes médicinales herbacées en surface, des petits arbres fruitiers, quelques grands arbres pour l’ombre et des lianes fruitières ou médicinales.

Au XXe siècle, les jardins-forêts ont aussi été et popularisés par des chercheurs et des praticiens tels que Bill Mollison et David Holmgren, qui ont développé la permaculture comme une approche holistique de l’agriculture et du design (Mollison et Holmgren, 1978). La permaculture s’appuie sur les principes et les pratiques des jardins-forêts pour créer des systèmes de culture durables, résilients et productifs, adaptés aux défis environnementaux et sociaux du XXIe siècle (Holmgren, 2002).

Les jardins-forêts contemporains intègrent une grande diversité d’espèces végétales, y compris des arbres fruitiers et à noix, des arbustes, des plantes grimpantes et des plantes herbacées, ainsi que des champignons et des animaux, créant ainsi un écosystème diversifié et auto-suffisant (Jacke et Toensmeier, 2005). Les jardins-forêts sont aujourd’hui pratiqués et promus dans le monde entier, dans des contextes ruraux et urbains, par des agriculteurs, des jardiniers et des activistes, qui cherchent à construire des alternatives durables et équitables aux systèmes agricoles conventionnels (Crawford, 2010).

En conclusion, les jardins-forêts sont des systèmes de culture millénaires qui trouvent leurs racines dans les traditions agricoles du monde entier.

La redécouverte des jardins-forêts témoigne de leur pertinence pour répondre aux défis environnementaux et sociaux de notre époque. En s’inspirant de l’histoire des jardins-forêts et en adaptant leurs principes à nos contextes locaux, il est possible de créer un avenir plus durable.

Références

  • Crawford, M. (2010). Creating a Forest Garden. Green Books.
  • Gomez-Pompa, A., Flores, J. S., & Sosa, V. (1990). The « Pet Kot »: a man-made tropical forest of the Maya. Interciencia, 15(1), 1-17.
  • Holmgren, D. (2002). Permaculture: Principles and Pathways Beyond Sustainability. Holmgren Design Services.
  • Jacke, D., & Toensmeier, E. (2005). Edible Forest Gardens: Ecological Vision and Theory for Temperate Climate Permaculture. Chelsea Green Publishing.
  • Kovács, J. (2013). A szilvói gyümölcsös. Hungary: Gyepű.
  • Kumar, B. M., & Nair, P. K. R. (2004). The enigma of tropical homegardens. Agroforestry Systems, 61(1), 135-152.
  • Mollison, B. (1991). Introduction to Permaculture. Tagari Publications.
  • Mollison, B., & Holmgren, D. (1978). Permaculture One: A Perennial Agriculture for Human Settlements. Transworld Publishers.
  • Nair, P. K. R. (1993). An Introduction to Agroforestry. Springer Science & Business Media.
  • O’Donovan, E. (2015). Aisling. A Tale of Ancient Ireland. Tyrconnell Press.
  • Toledo, V. M., Ortiz-Espejel, B., Cortés, L., Moguel, P., & Ordoñez, M. J. (2003). The multiple use of tropical forests by indigenous peoples in Mexico: a case of adaptive management. Conservation Ecology,

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