Lorsqu’on parle d’agroforesterie tempérée et de forêts nourricières, un nom revient inévitablement :  Robert Hart. Ce visionnaire britannique a révolutionné la manière dont nous concevons l’agriculture en introduisant un modèle inspiré des forêts tropicales, mais adapté aux climats tempérés. Son projet phare, l’aménagement agroforestier d’Highwood Hill, est aujourd’hui une référence pour les permaculteurs et les amateurs d’autosuffisance alimentaire.

L’Origine du projet de Robert Hart

Robert Hart (1913-2000) était un pionnier britannique de l’agroforesterie tempérée et un fervent défenseur des forêts nourricières. Initialement formé en agriculture conventionnelle, il s’est progressivement tourné vers une approche durable et respectueuse de la nature. Inspiré par les systèmes agricoles tropicaux et les principes de la permaculture, il a développé un modèle de jardin-forêt qu’il a appliqué et affiné sur sa propriété à Highwood Hill, en Angleterre.

Son objectif était de créer un système autosuffisant et productif, offrant une alternative aux méthodes agricoles intensives et destructrices. Robert Hart ne s’est pas lancé directement dans l’agroforesterie. Son intérêt premier portait sur les plantes vivaces comestibles, notamment les légumes et les herbes médicinales. Constatant que ces dernières étaient beaucoup plus faciles à entretenir que les cultures annuelles, il s’est peu à peu dirigé vers un modèle plus global et autosuffisant. Il voulait créer un système où les plantes interagissent naturellement pour favoriser leur croissance mutuelle, sans intervention excessive de l’humain.

S’inspirant des forêts nourricières tropicales, il a conçu un système multiétages qui reproduit les interactions naturelles des écosystèmes forestiers tout en fournissant des ressources alimentaires abondantes.

Les principes du jardin-forêt

Le modèle de Robert Hart repose sur une organisation de jardin-forêt en sept strates végétales.

Chacune ayant un rôle bien précis dans l’équilibre de l’écosystème :

Les grands arbres :

Ce sont les arbres fruitiers de grande taille comme les pommiers, les poiriers et certains noyers. Ils forment la canopée du jardin-forêt et apportent de l’ombre.

Les petits arbres et arbustes fruitiers :

Plus bas que les premiers, ils incluent des noisetiers, des péchers ou des cerisiers.

Les arbustes bas :

Ce sont par exemple les groseilliers, cassissiers et autres petits fruitiers.

Les plantes herbacées vivaces :

Elles comprennent les plantes aromatiques, les légumes vivaces et les plantes médicinales.

Les plantes couvre-sol :

Des espèces comme la menthe ou les fraisiers qui protègent le sol de l’érosion.

Les plantes grimpantes :

Vignes, kiwis, houblon, qui profitent des arbres comme support.

Les plantes-racines :

Ail des ours, topinambours, carottes sauvages qui enrichissent le sol.

Ce système fonctionne en auto-régulation, c’est-à-dire qu’une fois en place, il demande très peu d’entretien : pas de labour, peu d’arrosage et un minimum de fertilisation.

Robert Hart attribue aussi au jardin-forêt six caractéristiques intrinsèques :

  • Perpétuel : Presque toutes les plantes choisies sont vivaces ou se ressèment d’elles-mêmes, ce qui limite le besoin de replantation annuelle et favorise une production continue.
  • Autofertile : Les arbres, arbustes et plantes vivaces s’enracinent en profondeur, accédant aux éléments minéraux du sous-sol et les redistribuant aux plantes voisines. De plus, les légumineuses intégrées au système enrichissent naturellement le sol en azote.
  • Auto-irrigué : Grâce à leur système racinaire développé, les plantes puisent l’eau en profondeur et la restituent au sol en période de sécheresse, assurant ainsi un équilibre hydrique naturel.
  • Paillage et contrôle naturel des mauvaises herbes : Les couvre-sols comme la menthe ou les fraisiers forment un tapis végétal dense qui limite la prolifération des adventices tout en maintenant l’humidité du sol.
  • Autopollinisé : Les espèces choisies sont soit autofertiles, soit mutuellement compatibles, et attirent une diversité d’insectes pollinisateurs grâce aux fleurs aromatiques et mellifères.
  • Autocontrôlé : La diversité végétale limite les risques d’épidémies et de ravageurs, tandis que certaines plantes aromatiques jouent un rôle répulsif contre les insectes nuisibles.

L’organisation d’Highwood Hill

Robert Hart a expérimenté son modèle sur une parcelle d’environ 0,8 hectare en Angleterre. Son jardin-forêt était organisé en 12 zones distinctes, chacune ayant une fonction particulière :

  1. Le jardin-forêt principal : Cœur du projet, contenant la plupart des plantes comestibles.
  2. L’avant-jardin-forêt : Une zone pour les plantes aimant le plein soleil.
  3. Le jardin de case : Situé près de la maison, il concentre les plantes à forte production.
  4. La zone « où tout a commencé » : Une petite bande d’essais variés.
  5. Le jardin patio : Dédié aux citadins souhaitant cultiver en pot.
  6. Le sanctuaire de biodiversité : Une zone laissée en friche pour la faune.
  7. La plantation d’osier : Destinée à la production de vannerie.
  8. L’arboretum : Un espace où pousser diverses essences d’arbres rares.
  9. Le cercle de danse : Une zone de rassemblement pour les festivals et célébrations.
  10. Le jardin d’hiver : Cultures résistantes au froid.
  11. Le second jardin-forêt : Une expérimentation supplémentaire.
  12. Le jardin humide : Zone marécageuse pour plantes aquatiques.

Les avantages du jardin-forêt de Robert Hart

Le modèle d’Highwood Hill présente plusieurs avantages majeurs :

  • Durabilité : Une fois en place, il fonctionne presque tout seul.
  • Autosuffisance : Production de fruits, noix, légumes et plantes médicinales.
  • Biodiversité : Favorise les interactions naturelles entre les plantes et les insectes.
  • Faible entretien : Pas de labour, peu d’arrosage et d’engrais.
  • Résilience climatique : Adapté aux changements environnementaux.

Un modèle pour l’avenir

Robert Hart voyait dans son jardin-forêt un modèle réplicable partout. Pour lui, ce système pourrait être appliqué en ville comme à la campagne, sur des espaces réduits ou plus vastes. Son idée était simple : replanter de nombreuses mini-forêts pour restaurer l’équilibre entre l’humain et la nature.

Aujourd’hui, son travail inspire des permaculteurs comme Martin Crawford, qui continue d’expérimenter et d’améliorer le concept des forêts nourricières tempérées.

L’aménagement agroforestier d’Highwood Hill incarne une vision novatrice et durable de l’agriculture.

En s’inspirant du fonctionnement des écosystèmes naturels, Robert Hart a démontré qu’il est possible de produire une abondance de nourriture tout en favorisant la biodiversité et en minimisant les efforts d’entretien. Son modèle prouve que l’agriculture de demain pourrait être à la fois résiliente, productive et respectueuse de la planète. Plus qu’un simple mode de culture, c’est une invitation à repenser notre rapport à la nature et à envisager des alternatives plus harmonieuses pour notre alimentation et notre environnement. À l’heure où les défis climatiques et alimentaires s’intensifient, le jardin-forêt apparaît comme une solution d’avenir accessible à tous, des petits espaces urbains aux grandes parcelles rurales.

Si vous cherchez un moyen de rendre votre espace plus productif tout en respectant la biodiversité, pourquoi ne pas vous inspirer du modèle de Robert Hart et créer votre propre jardin-forêt ?

Robert Hart photo by Graham Burnett

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