Une nouvelle étude fascinante nous apprend que pour les oiseaux, vivre en groupe serait un vrai booster de neurones ! Cette découverte provient de l’île Steeple Jason, un coin paumé des Malouines, où se trouve la plus grande colonie d’albatros à sourcils noirs. Avant, cette île servait de pâturage pour les moutons et les bovins, mais aujourd’hui, c’est une réserve naturelle. C’est là que des chercheurs ont mis en lumière l’importance des interactions sociales sur l’intelligence des jeunes oiseaux.
Pourquoi Steeple Jason ?
Steeple Jason, c’est un peu le paradis des albatros à sourcils noirs. Près de 70 % de ces oiseaux nichent dans les Malouines, et une grosse partie est sur cette île. Des chercheurs de l’université d’Australie-Occidentale à Perth ont décidé d’étudier ces colonies afin de voir si, comme chez les chimpanzés et les éléphants, la vie en groupe pouvait influencer l’intelligence des oiseaux.
L’Intelligence sociale, un vieux débat
L’idée que la vie en groupe pourrait être un moteur clé du développement de l’intelligence n’est pas nouvelle. Elle remonte à plusieurs décennies et s’inscrit dans un débat scientifique passionnant qui continue d’évoluer. Alors, d’où vient cette idée et comment en est-on arrivé à s’interroger sur l’intelligence des oiseaux en groupe ?
Dans les années 1970, le psychologue Nicholas Humphrey a ouvert la voie avec ses recherches sur l’intelligence sociale des gorilles de montagne. Travaillant avec la célèbre primatologue Dian Fossey, Humphrey a observé que les gorilles vivant en groupes avaient des interactions sociales complexes qui semblaient stimuler leur développement cognitif. Il a proposé que la vie en groupe, avec ses défis et ses nécessités de coopération, pourrait être un facteur clé de l’évolution de l’intelligence.
Les gorilles de montagne ne vivent pas seulement ensemble ; ils naviguent dans un réseau complexe de relations sociales, de statuts et de hiérarchies. Afin de réussir dans un tel environnement, ils doivent développer des compétences cognitives avancées, comme la capacité à comprendre les intentions des autres, à se rappeler des interactions passées et à planifier des actions futures en fonction de ces informations. Humphrey a suggéré que cette complexité sociale pourrait être un moteur puissant de l’intelligence animale.
Robin dunbar et la taille du cerveau
Quelques années plus tard, en 1992, le primatologue Robin Dunbar a apporté une nouvelle dimension à ce débat avec son hypothèse du « nombre de Dunbar ». Dunbar a observé une corrélation positive chez les primates entre la taille du groupe social et celle du cerveau, plus précisément le néocortex, la partie du cerveau impliquée dans les fonctions cognitives supérieures.
Le « nombre de Dunbar » fait référence à la limite cognitive du nombre d’individus avec lesquels un animal (ou un humain) peut entretenir des relations stables. Pour les humains, ce nombre est estimé à environ 150. Dunbar a postulé que afin de gérer des groupes sociaux plus grands et plus complexes, les primates avaient développé des cerveaux plus grands. Cette idée a renforcé l’hypothèse que les exigences sociales sont un facteur clé dans l’évolution de l’intelligence.
Application aux oiseaux
Les recherches de Humphrey et Dunbar ont largement influencé notre compréhension de l’intelligence sociale chez les mammifères, mais qu’en est-il des oiseaux ? Jusqu’à récemment, l’idée que des mécanismes similaires pourraient s’appliquer aux oiseaux n’avait pas été largement explorée. Les oiseaux sont souvent perçus comme moins cognitivement sophistiqués que les mammifères, malgré des comportements sociaux complexes observés chez certaines espèces.
L’étude menée par l’équipe de l’université d’Australie-Occidentale à Perth comble cette lacune. En examinant les cassicans flûteurs, les chercheurs ont voulu voir si les théories de Humphrey et Dunbar sur l’intelligence sociale et la taille du groupe s’appliquaient aussi aux oiseaux. Et leurs résultats sont fascinants : les jeunes oiseaux vivant en grands groupes ont montré des capacités cognitives supérieures par rapport à ceux des petits groupes.
Comment ont-ils fait ?
Ils ont étudié 56 jeunes cassicans flûteurs, des oiseaux noirs et blancs, âgés de 200 jours.
Ces oiseaux venaient de 14 groupes différents, de 3 à 12 individus chacun.
Plutôt que de mesurer leur cerveau, les chercheurs ont fait passer des tests cognitifs pour évaluer leur mémoire spatiale, leur capacité d’apprentissage, leur flexibilité mentale et leur contrôle des impulsions.
Les tests cognitifs
Imaginez un socle en bois avec 20 petits trous, chacun recouvert d’un couvercle en plastique de couleur différente. Les oiseaux devaient piquer les bons couvercles de façon à obtenir une récompense : de la mozzarella !
- Mémoire spatiale : où est la mozzarella ?
- Apprentissage par association : cette couleur = mozzarella.
- Apprentissage inverse : OK, maintenant cette couleur = plus de mozzarella.
- Contrôle inhibiteur : savoir se retenir de façon à atteindre l’objectif (comme un régime).
Les résultats
Les oiseaux des plus grands groupes ont obtenu les meilleurs scores en moyenne. Plus d’interactions sociales semble égal à plus de matière grise ! Mais il y avait des exceptions individuelles. Les oiseaux les plus intelligents avaient aussi plus de succès pour faire éclore leurs œufs.
Les chercheurs admettent néanmoins, que leurs tests n’ont pas évalué la créativité des oiseaux. Or, certains disent que c’est super important pour juger de l’intelligence animale. Malgré cela, cette étude est la première à prouver qu’il existe une intelligence collective chez les oiseaux.
Vivre en groupe pourrait bien être la clé de l’intelligence chez les oiseaux.
Cette étude montre que les interactions sociales jouent un rôle crucial dans le développement cognitif des jeunes oiseaux. Les albatros de Steeple Jason nous en apprennent beaucoup sur la complexité de la vie sociale animale et ses impacts sur l’évolution cognitive.
Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives pour comprendre comment les animaux développent leur intelligence. Qui sait ce que nous révéleront les prochaines études sur nos amis à plumes ? En attendant, on sait désormais que les oiseaux aussi peuvent bénéficier de vivre entourés de leurs copains pour devenir plus intelligents.