Les tulipes, souvent admirées pour leur beauté éclatante, ont joué un rôle surprenant dans la survie de millions de Néerlandais pendant la Deuxième Guerre mondiale. Connue sous le nom de « Hongerwinter » (l’hiver de la faim), cette période sombre de l’histoire hollandaise a vu les tulipes sauvages se transformer en une source improbable de nourriture, offrant un espoir inattendu au milieu de la pénurie.
À l’automne 1944, l’ombre de l’Allemagne nazie plane sur les Pays-Bas, engendrant une période sombre connue sous le nom de « Hiver de la faim ». L’occupation nazie complique la libération du pays, et la situation devient critique en raison du blocage des trains et des transports fluviaux, causé par le gel des rivières.
Entre mai 1944 et février 1945, les apports énergétiques chutent de manière dramatique, passant de 1 800 à seulement 500 kilocalories par personne et par jour. Les citoyens néerlandais se retrouvent plongés dans une grande famine, confrontés à des conditions de vie difficiles.
En mai 1945, la situation atteint son paroxysme, avec entre 20 000 et 25 000 citoyens néerlandais qui perdent la vie des suites de la malnutrition. Cette tragédie touche particulièrement les femmes enceintes et les enfants de moins d’un an, exposant ces derniers à des conséquences à long terme sur leur santé.
L’impact dévastateur de cette famine est également perceptible chez les survivants, avec des séquelles physiques et psychologiques qui perdureront longtemps après la fin de la guerre. Les restrictions alimentaires sévères et la lutte quotidienne pour la survie ont laissé des cicatrices profondes dans la mémoire collective des Néerlandais, soulignant la cruauté de la guerre et les défis surmontés par la population pendant cette période difficile.
Face à la famine et à la malnutrition pendant la Seconde Guerre mondiale aux Pays-Bas, le gouvernement néerlandais adopte des mesures inhabituelles pour trouver des sources d’aliments énergétiques et riches en nutriments. La culture des tulipes, interrompue pendant cette période, laisse un stock important de bulbes non plantés. Les autorités décident alors de mettre à profit ce surplus en vendant les bulbes dans les épiceries et en publiant des recettes dans des magazines locaux pour aider la population.
Bien que la plupart des bulbes, comme ceux de jacinthes et de narcisses, soient toxiques, les bulbes de tulipe peuvent être consommés en prenant certaines précautions.
La soupe aux bulbes de tulipes : une recette inhabituelle pendant la guerre
L’une des recettes partagées indique le mode de préparation suivant : « Versez de l’eau dans la marmite, coupez les bulbes en deux et enlevez le germe. Râpez ensuite les bulbes à l’aide d’une râpe fine, de préférence dans la marmite, car la pulpe se décolore rapidement. Bien que les bulbes de tulipes soient riches en amidon, ils n’épaississent pas la soupe comme le fait la farine. Leur pulpe flotte dans la soupe sous forme de flocons. Si vous avez encore du curry chez vous, ajoutez-en une pincée, puis ajoutez un peu d’huile ou une petite quantité de matière grasse. Et n’oubliez pas le sel!
Il s’agit d’un extrait du dossier publié par l’Agence alimentaire de La Haye en janvier 1945. La soupe aux bulbes de tulipe est la première recette dans le dossier. Les autres recettes incluent la bouillie, les bulbes de tulipe en purée, les légumes avec des bulbes de tulipe, les bulbes frits et rôtis, ainsi que des cookies salés et sucrés aux bulbes de tulipe. Le dossier se termine par deux méthodes pour fabriquer de la farine à partir de bulbes de tulipe et des instructions pour les conserver. Les bulbes frais peuvent être conservés jusqu’au début de février. Pour les conserver plus longtemps, ils doivent être séchés, mais le germe doit d’abord être retiré.
Le Musée de la Résistance néerlandaise à Amsterdam détient un dossier avec une autre recette de soupe aux bulbes de tulipe. Cette recette insiste également sur l’importance de retirer le germe avant de préparer les bulbes. Les bulbes sont ensuite bouillis jusqu’à cuisson complète, égouttés et écrasés, et la soupe est finie en ajoutant des légumes, du sel et des épices (substituts).
Les tulipes posent toutefois un problème. Leurs bulbes contiennent principalement un allergène: le composé appelé tulipaline A. Ce composé pose des risques tant pour le bétail que pour les humains. Les bulbes de tulipes renferment principalement la tulipaline A. C’est un allergène présent dans la couche externe du bulbe, mais également dans la tige, les feuilles, et les pétales. Le bétail peut s’empoisonner en consommant du foin contaminé par des bulbes de tulipes. En outre, la tulipaline A est responsable d’une dermatite appelée «doigts de tulipe». Elle affecte notamment particulièrement les bulbiculteurs. Cette affection se manifeste par une desquamation érythémateuse de la peau autour des ongles et entre les extrémités du premier et du deuxième doigt de la main. La prévention de cette dermatite nécessite une réduction du contact avec ces plantes bulbeuses. Pour se faire il faut utiliser des gants en nitrile.
Outre les risques pour le bétail et les affections cutanées, la consommation de bulbes de tulipes par les humains comporte des dangers. Le choix de la variété et le mode de préparation sont cruciaux. En effet, toutes les variétés ne sont pas comestibles, et celles qui le sont peuvent aussi avoir un goût amer. La consommation crue peut entraîner des nausées, des douleurs abdominales et d’autres troubles digestifs.
Ainsi, la prudence est de mise en raison des risques associés à la tulipaline A. Il est essentiel de prendre des précautions adéquates lors de la manipulation et de la consommation de ces bulbes, soulignant les aspects potentiellement toxiques de certaines parties des tulipes.
Les bulbes de tulipes, souvent perçus comme des éléments décoratifs, deviennent ainsi une ressource inattendue pour lutter contre la faim. La publication de telles recettes souligne également les efforts du gouvernement pour fournir des solutions pratiques à la population pendant une période extrêmement difficile. La soupe aux bulbes de tulipes devient ainsi un symbole de résilience et d’adaptabilité face aux défis de la guerre.
Il vaut mieux manger une soupe aux bulbes de tulipe,
Que d’être embêté par un Boche.
Il vaut mieux manger une soupe aux betteraves à sucre,
Que de faire du travail forcé pour un Boche!
Pour mieux comprendre cette période de l’histoire néerlandaise, plusieurs sources offrent des témoignages poignants et des analyses approfondies. Le livre « The Hunger Winter: Occupied Holland 1944-1945 » de Henri A. Van Der Zee explore les détails de la famine et ses impacts sur la population.
De plus, les archives du gouvernement néerlandais de l’époque, disponibles au Nationaal Archief (Archives nationales des Pays-Bas), fournissent des informations précieuses sur les mesures prises pendant l’hiver de la faim, y compris la publication du guide sur la préparation des bulbes de tulipe.
L’histoire des tulipes pendant la Deuxième Guerre mondiale met en lumière la résilience face à l’adversité . Cela montre également la créativité trouvée dans les situations les plus difficiles. Ce récit souligne l’importance de l’histoire et de la mémoire pour comprendre pleinement les défis surmontés par les générations précédentes.
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