Le jardinage sans travail du sol au fil des années

Le jardinage sans travail du sol semble parfois être un concept nouveau. Mais le jardinage sans labourage est mentionné dans la littérature de jardinage depuis des décennies, voire plus. Jetons un coup d’œil à son histoire. Et intéressons-nous à certains des jardiniers influents qui ont partagé les avantages du jardinage sans travail du sol. Le jardinage sans travail du sol, ou no-dig gardening en anglais, est une méthode de culture proposant de ne plus retourner le sol. Cette technique est utilisée par certains jardiniers biologiques pour respecter les réseaux trophiques du sol.

Le jardinage sans labourage au fil des ans

Le concept peut sembler nouveau, mais les mentions du jardinage sans labour dans les publications remontent à plus de 75 ans, les plus anciennes apparaissant au XIXe siècle. Et il ne s’agit que des sources imprimées.

En effet, les origines de la méthode ne sont pas clairement connues mais elle s’appuie sur des techniques agricoles préindustrielles. Masanobu Fukuoka, précurseur du mouvement de la permaculture (1913-2008), est un pionnier dans le domaine. Parmi ces pionniers figurent aussi Frederic Charles King, auteur du livre Is Digging Necessary? en 1946 et A. Guest, auteur de Gardening Without Digging en 1948. Le jardinage sans travail du sol a également été promu par l’australienne Esther Deans. Mais aussi par l’américaine Ruth Stout dans les années 1950 à 1970. Plus proche de nous, en France il y a Dominique Soltner qui est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’enseignement de l’agriculture et la permaculture.

Depuis lors, nous disposons de dizaines d’années d’expérience et de perfectionnement de la méthode de jardinage sans travail du sol sur lesquels nous pouvons nous appuyer. Nous disposons également d’exemples de grands jardins créés, dans différentes régions, et avec divers types de sol et de climat, avec peu ou pas travail du sol.

Mais, en même temps, beaucoup de grands jardins ont été créés avec un travail du sol. C’est peut-être la raison pour laquelle cette question est aussi controversée dans le domaine du jardinage : les personnes qui travaillent le sol et celles qui ne travaillent pas le sol ont chacune de nombreux exemples de réussite à citer.

Mais la raison pour laquelle il faut renoncer à labourer ou à bêcher aussi souvent n’est pas seulement une question de rendement puisque les 2 méthodes fonctionnent. Il s’agit aussi de gagner du temps et de protéger l’environnement.

Jardiner sans travail du sol pour éviter de perturber le sol existant.

L’idée de cultiver sans travail du sol, que ce soit à l’échelle d’un jardin potager ou d’une grande exploitation céréalière, se développe et devient de plus en plus populaire. Ainsi cette méthode remet en cause un mythe fondateur de notre agriculture : le labour.

Le jardinage moderne a une longue histoire de labourage et de travail du sol. Pendant de nombreuses années, le labourage c’était simplement la façon de faire les choses. C’est ainsi qu’on procédait dans l’agriculture et aussi dans les jardins. Le labour consiste à retourner le sol de façon à l’ameublir et à préparer la terre à l’ensemencement.

Pendant longtemps, il était généralement admis que le labour c’était ce que faisaient les jardiniers et ce dont leur sol avait besoin, surtout s’ils cultivaient des légumes. C’était un travail éreintant. Aujourd’hui ce travail peut-être allégé par l’utilisation d’un motoculteur.

Mais est-ce vraiment utile de labourer le sol ? Pourrions-nous obtenir les mêmes résultats, voire de meilleurs résultats, sans travail du sol ?

Peut-être pourrions-nous simplement ajouter des matériaux à la surface du sol et leur laisser le temps de se décomposer ou de s’enfoncer, en laissant les vers et les micro-organismes prendre le relais, en leur laissant faire le travail.

Les vers de terre Les jardiniers du sol

Alliés indispensables, travailleurs infatigables, les vers de terre assurent une bonne aération et une meilleure pénétration de l’eau dans le sol. Ils mélangent les différents constituants du sol pour ensuite les digérer et les rejeter sous forme de petits tortillons de terre. Ces derniers sont d’excellents fertilisants pour votre potager car ils sont sept fois plus riches en éléments nutritifs que la terre dont ils proviennent ! En somme, les lombrics travaillent pour vous !

Dans certains cas, les jardiniers ont commencé à jardiner sans travail du sol car le sol était si dur que l’on ne pouvais pas le travailler. Ainsi à défaut de pouvoir directement planter dans le sol, certains jardiniers ajoutent du compost et du paillis pour le transformer progressivement en un jardin sain et prospère. Pour certains, la principale motivation de tester le jardinage sans travail du sol, était simplement d’éviter ce travail laborieux.

Depuis, la méthode du jardinage sans travail du sol a été l’objet de nombreuses expérimentations. Ainsi, nous savons désormais qu’il est préférable pour la santé du sol de ne pas le labourer du sol.
De plus en plus de jardiniers savent que les labours, bêchages pénibles et sarclages répétés ne sont pas une fatalité, et que ces pratiques anciennes gagnent à être remplacées par des techniques consistant à couvrir le sol, pour le protéger contre la battance de la pluie, remplacer le travail du sol, conserver l’eau en été, désherber et fertiliser. 

Voici quelques partisans notables du jardinage sans travail du sol au fil des années

1943
Edward Faulkner
Plowman’s Folly

L’un des premiers exemples, aujourd’hui considéré comme un pionnier, est un livre écrit pour les agriculteurs intitulé Plowman’s Folly par Edward Faulkner, publié en 1943.

Dès le début, il énnonce le fait que personne n’a jamais trouvé une raison scientifique pour le labourage. De nombreux professeurs érudits ont vécu des moments embarrassants devant des classes d’étudiants qui exigeaient qu’on leur montre pourquoi il ne serait pas préférable d’introduire toute la matière organique à la surface du sol plutôt que de l’enterrer.

1946
Frederic King
Is Digging Necessary ?

En 1946, Frederic King était depuis plus de 20 ans le jardinier en chef d’un manoir dans le nord-ouest de l’Angleterre.

Frederic King publie un pamphlet intitulé « Is Digging Necessary ? ». Il dit qu’il expérimente le potager sans bêchage depuis 1920. Dans son livre, mentionne celui de Faulkner et reconnaît que le fait de suggérer qu’il est possible de cultiver un jardin sans bêchage suscite des critiques de toutes parts.

Dans son ouvrage, il évoque l’importance des vers de terre, des bactéries et des champignons. Selon lui, l’état biologique du sol est extreement important pour la santé du sol.

1949
A. Guest
Gardening Without Digging

L’ouvrage de King a été suivi quelques années plus tard par Gardening Without Digging écrit par A. Guest, qui s’apparente comme un nom d’emprunt. Certains disent qu’il s’appelait Arthur et d’autres Albert mais nous n’avons aucun détail biographique autre que le fait qu’il vivait dans le South Yorkshire.

Son livre semble avoir bien marché. Mais je n’ai pas pu trouver de version numérique en ligne.

1955
Ruth Stout
How to have a green thumb without an aching back? A new method of mulch gardening. Ou en français Comment avoir la main verte sans avoir mal au dos?

Aux États-Unis, Ruth Stout, est l’une des pionnières du jardinage sans travail du sol.

Pendant de nombreuses années, Ruth Stout utilise des techniques conventionnelles dans son jardin. Et elle obtient des résultats mitigés. Au printemps 1944, elle a planté les graines sans labour, ni engrais en les couvrant de paillis. Elle obtient d’excellents résultats.

À la suite de cette expérience concluante, Ruth Stout affirme que pour jardiner sans se casser le dos, il faut pailler en quantité. Elle recommande alors de recouvrir le sol un paillis épais d’au moins 20 cm d’épaisseur. Selon elle, pour démarrer un nouveau jardin dans un sol pauvre, il est avantageux de labourer la première année, puis de procéder au paillage du sol. Le paillage peut être réalisé avec tout ce que l’on a à portée de main. Au fil des années, elle perfectionne ses techniques. Elle prône alors l’utilisation un paillis toute l’année. Cela permet d’éliminer le travail de labour. Elle présente son approche, de la permaculture avant que le mot existe. En effet, c’est en 1955 qu’elle publie son premier livre.

Dans celui-ci elle raconte qu’elle a commencé à jardiner en 1930 et qu’elle a beaucoup labouré le sol… Avant de se rendre compte 14 ans plus tard que ce n’était pas nécessaire !

1961
Ruth Stout
Gardening Without Work : For the Aging, the Busy & the Indolent.

Il est vrai que le titre du livre de Ruth Stout est un peu putaclic.. Car jardiner sans labour implique tout de même beaucoup de travail – le simple fait d’apporter et d’appliquer le paillis dans votre jardin est un travail, mais je suis sûr qu’un livre intitulé « Gardening With LESS Work » ne se serait pas aussi bien vendu.

Moralité ? Il faut tout de même se méfier des promesses trop alléchantes ! Ou alors, pour faire un best-seller, il faut utiliser des titres putaclics.

1977
Esther Deans | Lee Reich
Growing Without Digging.

Il y a eu beaucoup d’autres livres et articles sur le jardinage sans travail du sol au cours des 50 dernières années. Esther Deans, en Australie, a écrit Growing Without Digging en 1977. Lee Reich a écrit une chronique dans le New York Times il y a 30 ans intitulée « To Dig or Not to Dig ». Il écrivait : « La façon dont le sol est préparé sépare les jardiniers en deux camps : ceux qui travaillent le sol et ceux qui ne travaillent pas. J’appartiens à cette dernière école ».

2009
Dominique Soltner
Guide du nouveau jardinage sans travail du sol

Dominique Soltner, né en 1936, est un ingénieur agricole, écrivain et éditeur français, auteur d’ouvrages de vulgarisation d’agronomie et d’ouvrages à destination de l’enseignement agricole. Il défend une agriculture raisonnée et notamment la protection et l’utilisation agronomique des haies et d’un jardin sans travail du sol.


Bref, bien que le changement soit quelque chose de terrifiant, je crois que le jardinage et l’agriculture sans travail du sol c’est ce qui va remplacer l’agriculture conventionnelle dans les décennies à venir. Un bon gros mulch nourrit les bactéries, champignons et vers de terre, qui aèrent et ameublissent le sol, mais surtout l’enrichissent en azote, potassium et phosphate. 

Pour en savoir plus sur le jardinage sans travail du sol :

Je conseille ces livres ci :

Je conseille également les vidéos de la chaîne « Ver de Terre Production » ou « Maraîchage Sol Vivant »

Marie

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